- " Le gulyás hongrois ? Rien à voir avec le goulasch slovaque, non, non. Plus de paprika ! "
Forcement, Cardell, hipster en chef, connaît la Hongrie, sa gastronomie, ses bains thermaux… et son cinéma. Pas seulement celui de ses réalisateurs (George Cukor - Autant en emporte le vent, Michael Curtiz – Casablanca, Mathieu Kassovitz – La Haine) et acteurs (Adrien Brody, Rachel Weisz, Kate Hudson…) d’origine hongroise. Celui des vrais de vrais également. Il nous en dit plus.
Leçon 6 : Parler du cinéma hongrois avec ses collègues
Niveau de difficulté : 2/5 (quand un film est bon, il est bon)
Hipstomètre : 4/5 (le regarder en VO, c'est chaud)
La Hongrie, petite république de 10 millions d’habitant, fait plus souvent parler d’elle pour les propos polémiques de son premier ministre Viktor Orbán que pour son cinéma. Et pourtant, quand on y regarde de plus près, le pays dispose d’une production qui s’est illustrée à l’échelle internationale depuis la fin de l’époque communiste.
1945 ou La juste route (titre française) en fait partie. Réalisé par Ferenc Török, il est produit par Katapult Film (dont Török est l’un des directeurs généraux) et distribué par Menemsha Films. Cette société californienne est spécialisée dans les films sur les thèmes juifs et a promu La juste route dans de nombreux événements comme la Berlinale 2017, la Mostra de Sao Paulo, les festivals internationaux de Chicago, Edinbourg, Jérusalem, les festivals du film juif de San Francisco, San Diego, Miami, Washington, Varsovie…
Selon Török, la nouvelle de Gábor T. Szántó de dix pages seulement offrait une perspective nouvelle sur l’état de la Hongrie à la fin de la seconde guerre mondiale et avant l’avènement du pouvoir communiste. Elle a été sa source d’inspiration pendant les douze ans qui ont séparé sa première lecture et la conclusion de son projet. En 1945, deux juifs rentrent dans un village hongrois et menacent la tranquillité coupable ceux qui leurs ont spolié leur possession. Ses faux airs de Western ne trompent personne : l’arrivée d’un train à vapeur, deux étrangers quasi silencieux, un conflit moral filmé en noir & blanc… Le film traite bien de l’holocauste, un sujet grave, émotionnel, tabou durant la période communiste. Il offre un regard nouveau à la jeune génération alors que l’extrême droite perce à nouveau sur la scène politique hongroise.
D’autres films récents vous sont également chaudement recommandés : Le fils de Saul de László Nemes (Festival de Cannes, Oscar, Golden Globes, Bafta du meilleur film de langue étrangère en 2015/2016) et, seulement si nous avez l’estomac bien accroché, le surprenant Taxidermia de György Pálfi. On Body And Soul de Ildikó Enyedi, Ours d’or à la Berlinade de 2017, semble prometteur mais faute de l’avoir vu, nous pouvons juste vous dire qu’il est disponible sur Netflix US.
L’industrie hongroise du cinéma ne s’arrête pas là. En plus de ses propres films, elles offrent des moyens à des productions internationales, notamment hollywoodiennes. Le MNF (fond cinématographique national hongrois) annonce la couleur et elle est essentiellement financière. Si 80% du budget d’un film (réalisation, post-production…) est dépensé en Hongrie, son producteur bénéficie d’une remise fiscale de 25% de 125% des dépenses. Dépensez 100 forints, l’état vous en rend 31,25 (125 % * 100 HUF * 25 %). Ce mécanisme couvre une grande variété de productions comme des longs métrages, des films d’animation, des documentaires, des courts-métrages… Les salaires hongrois sont eux aussi attractifs : 20-30% moindres qu’Europe occidentale ou aux Etats-Unis. Et le pays dispose de compétences certaines.
Parmi les productions célèbres produites dans le pays, on ne compte rien de moins que Blade Runner 2049, le dernier film de Denis Villeneuve, Seul sur Mars de Ridley Scott, Hellboy II de Guillermo del Toro… Les moyens techniques proviennent de la société Korda Film Studios, situées à 30km à l’ouest de Budapest. Technologies, savoir-faire et quelques lampées de Tokaj sont à disposition de productions internationales.
A l’origine de ce studio, des investisseurs privés, de bonnes relations avec le gouvernement et un vétéran de l’industrie cinématographique, Andy G. Vajna (András György Vajna de son nom hongrois). Né à Budapest en 1944, il quitta son pays en 1956 pour rejoindre le Canada après la révolution hongroise. Il étudia le cinéma à l’Université de Californie à Los Angeles. De projets en projets, on le vit à la tête de productions importantes comme la série de Rambo, Total Recall, Die Hard 3, Evita, Terminator 3 & Salvation. Il rentra en Hongrie en 2010 pour développer des projets locaux, loin du fisc américain à ses trousses : le MNF (le bras financier) et les studios Korta (le bras technique). A son actif en tant que commissaire du MNF, Le fils de Saul, le succès international déjà évoqué.
Talent, politique, fiscalité : voilà donc le trio gagnant de l’industrie cinématographique hongroise dont vous savez maintenant presque tout. Merci Cardell !