- « J’aime pas les maths. »
- « Pas besoin d’aimer pour apprécier ! »
- « Toi, tu es chaud pour flamber à… »
- « Correct, mec. Accroche-toi car nous allons vers le haut, et non pas vers le nord. »
Cardell, professeur ès hipstérisme, puits de science, s’y connait en géométrie dans toutes ses dimensions. Le continuum espace-temps n’ayant pas de secret pour lui, il nous invite à la lecture de Flatland du théologien et universitaire anglais, Edwin A. Abbott (1838-1926).
Leçon 6 : parler de Flatland à la machine à café
Niveau de difficulté : 4/5 (dur quand on préfère le thé vert bio fair-trade)
Hipstomètre : 2/5 (œuvre connue mais pas forcément de son voisin de palier ou des filles à compta)
Publié en 1884, Flatland relate les aventures d’un carré vivant dans le plat pays, un monde en deux dimensions. A sa surface, ses compatriotes sont divisés en castes en fonction du nombre de leurs côtés : les simples soldats sont des triangles isocèles à angle aigu ; administrateurs des affaires, des arts et des sciences, les prêtres sont des polygones finement fractionnés ressemblant à des cercles. Cas singulier, les femmes ont la forme d’aiguille : leur contact est particulièrement dangereux au point qu’elles font l’objet de lois ségrégationnistes.
Abbott s’amuse à nous décrire comment la condition bidimensionnelle de ces êtres conduit à des pratiques sociales humiliantes, une constitution dogmatique et des lois strictes. Quelle n’est donc pas la surprise de notre carré lorsqu’un disque de diamètre variable traversant son univers plan s’avère être une sphère venant du « spaceland », le monde aux trois dimensions. Cette révélation brise un tabou puni par la constitution. Le nord devient le haut et le sud, le bas. Pourtant, le carré rêve d’expliquer au roi du pays de la ligne que d’autres dimensions existent. Il parle à son petit-fils de l’existence bien réelle de cubes, sans succès. Il en vient même à appliquer par analogie les principes que la sphère lui a démontrés pour imaginer un monde à quatre dimensions. Il révélerait l’intérieur des choses solides, tout comme un plan voie sous forme d’un point, les entrailles d’une ligne lorsqu’il la coupe. A ce stade, les cinquièmes, sixièmes… dimensions ne sont que les extrapolations de la même logique.
Satyre sociale, ce court roman de 200 pages anticipe aussi les avancées scientifiques du début de XXeme siècle et notamment la théorie de la relativité d’Einstein, Lorenz, Planck et d’autres. Elle donne une image vivante au concept d’espace-temps : la perception de changement dans le temps (la couleur d’un point, le diamètre d’un cercle) n’est autre qu’un déplacement spatial dans une dimension supérieure (une ligne 2D traversant un monde 1D, une sphère 3D intersectant un monde 2D). Pas étonnant donc que le roman ait fait l’objet de films : un film d’une heure quarante en CGI réalisé en 2007, un court-métrage pédagogique fait la même année et surtout une première version produite en 1967. On la doit à Eric Martin et à John Hubley, ex-employé de Disney et premier enseignant au Centre Carpenter d’Art Visuel… de l’université de Harvard (Massachusetts, Etats-Unis).
Le carré, son petit-fils et la sphère traversant le plat pays
Après quelques recherches sur la toile, on trouve ce film de 11min seulement. Le site d’Harvard propose un extrait qui vous donnera une idée de son style et de sa narration. Drôle, pédagogique, touchant, notre ami carré vit des aventures multidimensionnelles qui plongeront certains d’entre vous, dont Cardell, dans de profondes réflexions.