Les grands pays de l’animation restent le Japon et les Etats-Unis suivi du Canada et de la France. Ces pays ont accès à des financements importants, à des producteurs ; des écoles existent pour former les animateurs. Même avec ces atouts, il reste compliqué de mener à bien un projet complet. Alors, qu’en est-t-il dans le reste du monde ?
Pour mieux comprendre les difficultés d'une telle entreprise, Cult’n’Click a interviewé le réalisateur Tengis Buyanulzii. Pour une première mongole, il a pris pour sujet son compatriote le plus connu de l’histoire : Gengis Khan. Sa vie a eu un impact incroyable sur le monde et pourtant, jusqu'à présent, il n'avait jamais été le sujet principal d'un film d’animation. Nous avons voulu savoir ce qui a motivé Buyanulzii à réaliser Genghis Khan et les difficultés qu’il a rencontrées.
Tengis Buyanulzii
Vous êtes le premier à créer un film d’animation en Mongolie. Pourquoi avoir choisi Gengis Khan ?
J’aime mon pays et quand j’ai regardé le film Mulan, je n’ai pas aimé la façon dont Disney a modifié son histoire. Tout en utilisant leurs standards, j’ai voulu y répondre en montrant la vision mongole de notre récit national. Beaucoup de films et de livres sur Gengis Khan le montrent comme un meutrier sanguinaire. Et pourtant, ce n’était pas quelqu’un qui torturait ou tuait pour le plaisir. Il a créé des lois, il a apporté la paix en Mongolie. Il a fait des grandes choses pour ses habitants. J’ai lu History of Mongol un nombre incroyable de fois avant de créer mon film.
Comment arrive-t-on à réunir les hommes et les femmes pour réaliser un tel projet ?
Construire une équipe a été extrêmement difficile. Treize tentatives ont échoué. L’équipe actuelle est en réalité la 14eme. Nous avons réussi à rester uni autour du projet malgré la difficulté.
Combien étiez-vous à travailler sur le film ?
A peu près 40 personnes ont contribué sur la création du film si on inclut uniquement les dessinateurs et animateurs. A titre de comparaison Tout en haut du monde comptait 55 animateurs et un film Pixar, plus de 300. En prenant en compte la musique, la distribution, les activités commerciales... plus de 300 personnes ont participé à l'aboutissement de notre projet.
Une équipe en plein repérage
Quelles ont été vos méthodes de travail ?
J’ai souhaité me calquer le plus possible sur le réel. Pour cette raison, l'équipe entière était basée sur place en Mongolie. Il n’y a pas eu de dessins ou d’images faits hors de Mongolie comme c’est le cas actuellement pour la plupart des films d’animations qui sous-traitent une partie de leur réalisation. Les paysages de la Mongolie ayant peu changé depuis l’époque de Gengis Khan, ils ont été restitués en extérieur. Il en va de même pour les décors. J’ai envoyé des équipes faire des encrages, des dessins aux endroits que je souhaitais dans le film.
Combien de temps a-t-il fallu pour réaliser tous ces dessins, ces paysages ?
Les deux premières années ont été consacrées aux recherches. Ensuite, l'équipe a passé un an sur le script et enfin trois ans à réaliser l’animation. Il nous donc a fallu six ans au total.
L’histoire est basée sur des faits réels comme L’histoire secrète mongole. La majorité des films sur Gengis Khan ont été faits par d’autres pays et ils ont modifié l’histoire. J’ai voulu me rapprocher le plus possible des sources et suivre ainsi la trame réelle des évènements.
Est-ce que ce n’est pas trop dur de travailler sur un tel projet pendant six ans ?
C’était très dur au début car il faut y consacrer toute son énergie et toutes ses capacités. Maintenant que le film touche à son terme, je suis content d’avoir réussi à mener le projet au bout.
Vous utilisez les dessins en deux dimensions et trois dimensions. Comment utilisez-vous les deux ?
Mon équipe voulait faire le film entièrement en 3D. J’ai réussi à les convaincre de faire le film à 70% en deux dimensions pour garder un côté humain. Au moment où je l'ai commencé, je ne connaissais rien à l’animation. Maintenant, je sais comment procèdent Walt Disney et Pixar.
Börte et Gengis Khan
En dehors de la construction de l’équipe, qu’est-ce qui a été le plus dur pour vous ?
Il y a beaucoup d’images de Gengis Khan dans le monde mais pratiquement aucune n’a été réalisée de son vivant. J’ai donc inventé une nouvelle image de cette figure historique. Pendant ces six ans, je n’ai jamais travaillé pendant la journée uniquement la nuit. J’espère pouvoir dormir maintenant la nuit.
Après avoir vu le bande-annonce, on peut y voir des monstres, des personnages avec des pouvoirs. Pourquoi avez-vous décidé de mettre en avant une dimension fantastique ?
Dans mon film, il y a toutes les choses qui se font dans les films de Disney. On y voit des monstres, du chant, de la danse. J’ai fait ça pour rendre le film plus attrayant et tout en restant dans les codes du genre.
Le film sort enfin. Êtes-vous stressé ?
Je suis très fier de mon œuvre mais je ne peux m’empêcher de stresser comme un père inquiet pour son fils. Il est sorti le 31 mars 2018.
Que voulez-vous dire au public français pour les inciter à venir le voir ?
Il y a beaucoup de types d’animations et chaque pays a son style. J’ai voulu créer un genre mongole et je veux montrer ce nouveau style au monde. J’espère que vous l’apprécierez.
Le film étant fini, dans combien de pays va-t-il sortir ?
Le film va être traduit en anglais mais je vais essayer de le traduire dans le plus de langues possibles afin de toucher le plus de monde possible. La version mongole possède des sous-titres en anglais. Nous sommes actuellement en discussion avec un distributeur et nous espérons arriver à un accord très prochainement.
Merci beaucoup Tengis pour cet entretien. On espère tous découvrir ce film le plus rapidement possible en France et bonne chance pour vos futurs projets.